Les rapports entre droit et politique dans un contexte d’instabilité institutionnelle: Effet de contagion ? Le cas de la Belgique fédérale
1 Doctorante, Centre d’étude de la vie politique, Université libre de Bruxelles (Cevipol, ULB).
Résumé
L’article a pour objectif d’analyser les relations complexes qu’entretiennent politique et droit dans un contexte d’instabilité institutionnelle marqué, à savoir le cas de la Belgique fédérale. L’objectif est de montrer que, s’il est avéré que l’emprise du droit sur le champ politique se développe et que le cas belge peut l’exemplifier, la relation entre les deux sphères ne peut être caractérisée de linaire.
La Belgique connaît depuis quatre décennies des transformations institutionnelles majeures. Mais le réformisme s’étend au-delà de la sphère constitutionnelle pour toucher des domaines très divers. Les multiples variations qu’a connues le droit électoral belge ces dernières années en sont l’illustration. Le contexte belge est donc celui d’un réformisme croissant. L’accent sera cependant davantage mis sur l’impact que ce réformisme peut avoir sur les relations qu’entretiennent droit et politique. Il semblerait au premier abord que ce contexte favorise l’extension de la sphère du droit au détriment de la sphère politique. Néanmoins, deux constats viennent nuancer cette idée.
D’un côté, la fuite en avant dans les matières institutionnelles découle en réalité de la polarisation du paysage politique sur le clivage linguistique. Ces développements institutionnels sont essentiellement initiés par la sphère politique elle-même, qui tente d’adapter la structure de l’Etat à une nouvelle réalité politique. D’un autre côté, le fédéralisme consociatif génère un certain nombre de difficultés de gestion. Afin de pouvoir proposer une solution qui attirerait l’approbation des deux segments linguistiques, le politique est de plus en plus régulièrement amené à passer outre certains garde-fous juridiques. Cette mainmise du politique sur le droit semble parfois contagieuse ; celle-ci s’étend alors à des domaines moins déterminants que les domaines institutionnels. La contagion réformiste génère le développement de l’expérimentation et de l’incertitude juridiques.
L’ensemble de ces arguments nous amènera à proposer une vision nuancée des rapports qu’entretiennent droit et politique en Belgique fédérale.
English
The purpose of the article is to analyse the complex relationships between politics and law in a context of institutional instability. It takes Belgium as a case study. The goal is to demonstrate that, if the political sphere is under the influence of law, the relationship between the two spheres can not be considered as linear.
Since several decades, Belgium is under a process of major institutional reforms. But reforms go beyond the constitutional sphere and affect several fields. The variations of the electoral law illustrate this phenomenon. The Belgian context is one of growing reformism. However, the emphasis will be put on the impact of this reformism on the relationships between law and politics. At first sight, one could conclude that this context favours the extension of the law sphere to the detriment of the political sphere. Nevertheless, two elements could qualify this idea.
One the one hand, reformism follows from the polarization on the linguistic cleavage. The institutional developments are initiated by the political sphere in order to adapt the State structure to a new political reality. On the other hand, consociational federalism generates several management difficulties. In order to be able to propose a solution that would be approvable by both linguistic segments, the political sphere is more and more encouraged to bypass legal railings. This seizure of the political sphere on the law sphere sometimes seems contagious. It spreads to other fields than the institutional field and generates experimentation and legal uncertainty.
These arguments lead us to propose a more nuanced vision of the relationship between law and politics in the federal Belgium.