Internationalisation ou américanisation du droit public : l’exemple paradoxal du droit du cyberespace confronté à la notion d’ordre public
1 Professeur, Directeur de l’IREENAT, Université de Lille 2.
Résumé
Pour les États récepteurs d’un message diffusé sur le Web, il est difficile d’y faire respecter leur propre ordre public interne. Pour y parvenir, il faudra un réel rapport de puissance ou de contrainte à l’encontre d’un contrevenant sur le Web. L’auteur nous illustre cette idée à travers deux affaires sensiblement identiques pour ce qu’il en est des faits, mais diamétralement opposées pour ce qu’il en est de leur conclusion. Dans l’une (Yahoo! Inc.), l’État français, confronté à plusieurs difficultés, ne réussit aucunement à faire respecter sa législation dans le monde virtuel de l’Internet. Dans l’autre (World Sports Exchange), l’État américain réussit aisément à condamner un homme qui violait sa législation à travers le Web et ce, même si le site Internet de cet homme n’était pas hébergé aux États-Unis.
Constatant ces divergences, l’auteur se questionne alors quant à savoir s’il n’y existerait pas une définition commune d’un ordre public international face à Internet. Il souligne l’importance de trouver une réponse rapide à cette question et ce, dans le but d’échapper aux inégalités de fait entre les États et surtout à la prééminence de fait des États-Unis. D’ailleurs, à la lumière de l’analyse de l’Accord PNR (conclu entre l’Europe et les États-Unis), l’auteur nous démontre bien cette prééminence en matière de terrorisme. Il en vient alors à la conclusion que l’internationalisation du droit applicable dans le domaine du cyberespace semble être la seule solution possible pour en arriver à un respect de l’égalité des États dans ce domaine.
English
States that receive messages broadcast over the Internet have difficulty ensuring compliance with their own legislation on domestic public order. Ensuring compliance would require real power or control over lawbreakers on the Web. The author illustrates this idea through two cases that seem to have virtually identical facts, but which were concluded in diametrically opposed ways. In one case (Yahoo! Inc.), the French government was faced with a number of problems and completely failed to obtain compliance with its legislation in the virtual world of the Internet. In the other case (World Sports Exchange), the American government had no trouble convicting a man who violated its legislation over the Web, even though the man’s Website was not hosted in the United States.
Given these differences, the author asks whether there is a shared definition of international public order with respect to the Internet. He highlights the importance of finding an answer to this question quickly in order to attenuate de facto inequalities among states and especially the de facto pre-eminence of the United States. Moreover, in light of an analysis of the PNR Agreement (between Europe and the United States), the author demonstrates this pre-eminence in relation to terrorism. He then concludes that internationalization of law applicable in cyberspace seems to be the only possible way to achieve respect for equality among states in this area.